Faut-il se lancer dans un parcours d'équivalences lorsque l'on n'est pas francophone?
par Guilherme Da Silva, dernière mise à jour: décembre 2018

Le parcours d’équivalences en français est un défi additionnel pour les juristes non francophones. Au Québec, nombreux sont les défis auxquels les juristes étrangers en parcours d'équivalences doivent faire face. Les cours intensifs à l’université, la recherche d’un stage et le marché professionnel compétitif en sont de bons exemples. Pour certains, il existe toutefois une adversité de plus : la maîtrise de la langue française.
Qu’attendre de la démarche d’équivalences, lorsqu’on est non francophone et que l’on décide de poursuivre des études en français? Que peut-on faire pour améliorer la qualité de sa communication dans la langue officielle du Québec?
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L'université et la langue d'enseignement
Les futurs avocats, notaires et huissiers de justice provenant de l'extérieur du Québec peuvent suivre leur formation dans six universités : Université de Montréal, Université McGill, Université du Québec à Montréal (UQAM), Université Laval, Université d'Ottawa ou Université de Sherbrooke. L’Université McGill est la seule qui propose une formation en anglais, les autres institutions offrant par conséquent des cours en français.
Le choix de l’université constitue bien sûr quelque chose d’important et la langue d’enseignement joue un rôle déterminant.
Tout d’abord, pour ceux qui veulent pratiquer en tant qu’avocats, bien qu’il soit possible de passer les examens du Barreau du Québec dans les deux langues, les cours préparatoires et la formation professionnelle ne sont donnés qu'en français. En outre, une récente étude publiée par le Barreau a démontré que le français est plus présent dans les activités professionnelles, 74% des avocats ayant la langue de Molière comme outil prépondérant au travail.
Ensuite, quant aux candidats désirant exercer la profession de notaire, la maîtrise en droit notarial, étape précédant la formation professionnelle et qui est une condition sine qua non pour l’inscription au tableau de la Chambre des notaires du Québec, est donnée uniquement en français. Les universités dans lesquelles ce cours est offert sont les suivantes : Université Laval, Université de Montréal, Université de Sherbrooke et Université d’Ottawa.
Enfin, en vertu de la Charte de la langue française, les ordres professionnels ne peuvent délivrer de permis d’exercice qu'aux individus ayant une connaissance du français appropriée à la pratique de leur profession. Le candidat non francophone doit alors réussir aux examens de français de l’Office québécois de la langue française.
La décision à propos de la langue des études revêt un caractère très personnel, mais il semble qu’une certaine prépondérance du français par rapport à l’anglais ressort, raison pour laquelle la pratique de cette langue dès la phase académique du long processus d’équivalences peut éventuellement constituer une décision raisonnable et équilibrée.
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L'examen de français d'admission
Que le candidat ait choisi de se présenter directement à une université ou de s’adresser premièrement à un ordre professionnel, il faudra, à un moment donné, plonger dans la vie académique et la première barrière à franchir est l’examen de français aux fins d’admission.
En règle générale, cette évaluation linguistique se résume au Test de Français International (TFI), dont la note de passage varie d’une université à l’autre. Sur une échelle de 0 à 990 points, l’Université de Montréal requiert un score minimal de 650, l’UQAM, de 785 et l’Université Laval de 750. Quant à l’Université d’Ottawa, pour les programmes offerts en français, les tests de compétence linguistique acceptés sont les suivants (le résultat nécessaire pour l’admission étant en parenthèses) : Diplôme Approfondi de Langue Français (DALF) (C1 ou C2), Diplôme d’Études en Langue Française (DELF) (B2), Test d’Évaluation du Français (TEF) (B2), Test de Connaissance du Français (TCF) (B2) et TESTCan (4). Notons qu’à l’université de Sherbrooke, il n’y a pas d’examen de français obligatoire aux fins d’entamer les études.
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Le déroulement de la vie académique en français
Une fois admis à l’Université, l’étudiant suit une formation en français qui exige la lecture de lois, de doctrine et de jurisprudence dans la langue officielle du Québec. La législation comporte par contre des versions tant en français qu’en anglais, permettant aux étudiants l’accès à un vocabulaire juridique bilingue. Cela implique également la nécessité de pouvoir prendre des notes personnelles durant les cours ou de pouvoir s’appuyer sur quelqu’un capable de le faire.
Les examens sont exclusivement en français, comportant des questions à développement et à choix multiples, dont les réponses sont habituellement courtes (c’est-à-dire que la réponse attendue contient quelques lignes). Des outils de références d’appui, tels que dictionnaire d’orthographe ou de grammaire (tel que le Bescherelle), sont permis, ce qui constitue une aide importante. D’ailleurs, la plupart des tests sont à livres ouverts, incluant notamment des livres de lois, des ouvrages de doctrines et des cahiers de jurisprudence.
La correction des évaluations, qui ont une durée habituelle de deux à trois heures, mis à part le contenu de nature juridique, prend en compte la qualité du français comme critère pour établir les notes. Malgré cela, il est possible d’affirmer que les correcteurs sont relativement souples, retirant des points que dans des cas où les fautes de français compromettent significativement la clarté des réponses.
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Les examens de l'Office québécois de la langue française
Après l’Université, la formation professionnelle et finalement le stage, pour que le permis d’exercice soit délivré par l’ordre professionnel, il faut que le candidat réussisse aux examens de l’Office québécois de la langue française, conformément à l’art. 35 de la Charte de la langue française. L'évaluation est divisée en quatre parties portant sur la compréhension orale, la compréhension écrite, l'expression orale et l'expression écrite. La note de passage pour chacune des parties de l'examen est de 60 %.
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Comment améliorer sa maîtrise du français?
Il s’agit d’un véritable chemin de croix linguistique. Pour être bien préparé, il faut travailler fermement avant et pendant les démarches d’équivalences. Fort heureusement, les services et les outils disponibles abondent pour venir en aide aux juristes non francophones.
D’abord, pour ceux qui possèdent un Certificat de sélection du Québec ainsi qu’un visa de résidence permanente, il existe le programme de francisation, qui est un ensemble de cours de français langue seconde gratuit proposé par le ministère de l'Immigration, de la Diversité et de l'Inclusion. Des mesures d’aide financière peuvent être accordées pour ceux qui ont des enfants à charge de 12 ans et moins ou qui étudient à temps plein.
Deuxièmement, en ce qui concerne la Ville de Montréal, la Commission scolaire offre des cours de français à prix modiques, sans qu’il soit nécessaire d’avoir le statut de résident permanent. Ces cours comportent six modules de communication écrite et orale, ainsi que deux modules avancés de communication écrite. De plus, l’étudiant à temps plein peut bénéficier des subventions allouées par Emploi Québec.
Troisièmement, pour ceux qui ont déjà commencé leurs démarches académiques, les universités possèdent des programmes de français à différents niveaux dans le but d’assurer la maitrise de la langue officielle du Québec dans les études. C’est le cas de l’Université de Montréal, dont le Centre de communication écrite offre des formations afin de certifier que « tous ses diplômés puissent communiquer dans une langue correcte et rédiger des documents de qualité ». Ces cours, sans être gratuits, sont à prix très modiques et dans certains cas, sont quand même couverts par le programme d’aide financière aux études.
Enfin, certains organismes communautaires d’appui aux nouveaux arrivants proposent des classes de français. Ces cours sont la plupart du temps gratuits et sont dispensés par des professeurs bénévoles dont la formation est habituellement autre que l’enseignement de la langue française, ce qui n’est pas une garantie absolue de la qualité de l’enseignement de la langue.
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La persévérance est essentielle
Tous ces services sont extrêmement importants. Le rôle de chacun influence énormément l’évolution linguistique de l’apprenant. Il est ainsi nécessaire de complémenter tout ce qui est étudié en salle de classe avec une immersion culturelle complète en français. Dans ce sens, le Québec dispose d’un important réseau de bibliothèques publiques, dont la riche collection compte des livres, des films et d’autres outils de références qui peuvent servir d’appui à l’apprentissage du français.
Ainsi, s’il est parfaitement possible pour un non-francophone de réussir son parcours d’équivalences, il est essentiel pour une intégration facilitée au sein du marché du travail au Québec qu’il persévère tende toujours vers le perfectionnement de cette langue.
Le débat et l’argumentation sont au cœur du droit. Plus approfondie est la connaissance linguistique du juriste, plus éloquent et persuasif sera son raisonnement. L’importance de la maitrise du français est ainsi évidente et certainement, aucun juriste ne le nie!
Pour de plus amples renseignements, consultez les liens suivants:
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Le français langue seconde (Commission scolaire de Montréal)
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Les organismes communautaires partenaires du gouvernement du Québec
NDLR: Toute l'équipe de Cheminement Équivalences remercie Guilherme Da Silva, avocat brésilien (2008) et désormais québécois (2018), pour la rédaction de cet article. Il pratique aujourd'hui chez Allali Brault en litige civil et commercial.